Pendant que les populations s’attendent à une relation étroite et de proximité, le magistrat municipal de cette commune du département du Ndé dans l’Ouest Cameroun brille par son absence sans aucune concertation avec les habitants de sa cité sur les projets les concernant. Une vraie entorse à la gestion participative qui nuit énormément au développement de cette commune.
L’histoire institutionnelle du Cameroun est marquée par une forte ‘centralisation’ politique et administrative. La ‘révolution décentralisatrice’ qui redonnerait (enfin) le ‘pouvoir à la base et aux vrais citoyens,’ a conduit à de nombreux transferts de compétence, de l’Etat vers les collectivités. Ce nouveau paradigme confère à la commune, ‘collectivité territoriale la plus proche des citoyens’ un rôle et des responsabilités, particulièrement en matière d’urbanisme et de sécurité. Dit autrement, les maires qui sous la ‘centralisation’ avaient été réduit à n’être qu’un instrument au service des organes centraux de l’Etat, pèsent davantage dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Mairie, lieu des questions-réponses
A l’essence, la commune incarne l’échelon de proximité qui permet aux édiles communaux d’entretenir avec la population des relations étroites. Ils cherchent le ‘dialogue’ et le ‘partenariat.’ Cela se traduit par la ‘contractualisation,’ tournée vers l’Etat, et par la ‘concertation’ avec les habitants sur les domaines tels que—l’environnement et l’urbanisme, le social, la santé, la culture, ou la prévention des risques et la sécurité. Cette concertation qui permet de mieux associer la population aux actions de la commune peut se définir comme ‘un processus dans lequel les habitants sont informés et consultés, afin de débattre et d’enrichir un projet.’ Les concertations précèdent en général les grands travaux et les expropriations et sont l’occasion de faire connaître la teneur d’un projet et d’adapter celui-ci aux réactions recueillies.
Sur ce, la mairie est le lieu par excellence où les questions sont posées, et les réponses élaborées. Sur ce schéma, le maire est le premier informé des événements se déroulant sur ‘son’ territoire, et le plus à même de réagir au plus vite. Cet assemblage fait du maire le ‘façonneur’ du cadre de vie des habitants de sa ‘circonscription administrative’ tout en rendant compte—politiquement et juridiquement—des choix opérés. Pour cela, il devrait résider dans sa commune.
Maire ‘fantôme’
Malheureusement, plusieurs communes camerounaises sont gérées par les édiles ayant élu domicile hors de leur circonscription électorale. L’inexistence d’une banque de données sur les collectivités territoriales au Cameroun, ne permet pas de dire exactement combien de jours ces ‘maires-fantômes’ sont absents de leur ‘champ’ administratif.
Pour ce qui est de la commune de Bazou, l’agenda privé du ‘maire-fantôme’ Dr. Ing. Frédéric Djeuhon, semble incompatible avec la ‘gestion des détails’ d’une commune. Submergé par son propre business et par l’accaparement de richesse, il éprouve toutes les peines du monde pour trouver le temps de se pencher sur les dossiers de sa municipalité. Puisque ‘la vie de l’homme d’affaires c’est une vie de contrainte.’ Ecrit Aristote. Par conséquent, ses séjours dans sa commune sont occasionnels. Il n’y revient que pour ‘des obsèques et des funérailles exhibitionnistes.’ Dénonciation excessive de certains habitants excédés. En conclusion, ’il télégère les affaires de la municipalité.’ Assomment d’autres. Une manière de faire qui déplaît profondément à la population qui réagit non pas pour s’ébahir ou s’indigner. Car, le comportement incivique(?) de ce maire ‘invisible (?)’ n’étonne plus. D’ailleurs, pour les plus sceptiques, Frédéric Djeuhon ‘ne connait même pas son bureau à la mairie.’
Projets et chantiers dans le tuyau
Qu’à cela ne tienne, ce maire ‘absentéiste’ qui—selon certaines sources—aurait ‘arraché’ la commune de Bazou de façon ‘inélégante,’ a des ambitions. Et c’est l’essentiel. Son paquet minimum de projets à réaliser avant la fin de son mandat en 2025 est lourd. Il comprend entre autres, ‘la construction d’un centre commercial, d’une cité communale de 40 appartements à 400 millions de FCFA sur financement du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunal (FEICOM). L’édification d’un pavillon et d’une morgue au Centre médical d’arrondissement (CMA) de Bazou grâce à un partenariat public-privé, l’assainissement de la voirie à 150 millions de FCFA, l’instauration d’un marathon annuel, l’éclairage public, l’adduction d’eau.’
La session du conseil portant adoption des comptes de l’exercice 2023 tenu à Bazou le 19 juillet 2024, ‘a fait le point de quelques chantiers et projets initiés dans l’arrondissement.’ Le ‘billet’ résumant cette rencontre s’ouvre sur une note fanfaronne. ‘Le maire Dr, Ing. Frédéric Djeuhon’ est présenté comme celui qui est ‘toujours dans une démarche de gestion participative et transparente, dans la conduite des affaires de la cité.’ Pareille entrée en matière qui emprunte des raccourcis laudateurs, oblige nécessairement à réagir. Ceci en examinant et analysant les rares projets (principalement, le complexe commercial de Bazou, la route Bakong-Bazou, la construction de la morgue municipale, l’assainissement de la voirie, ou l’instauration d’un marathon annuel) engagés par la commune.
Le ‘Complexe commercial de Bazou,’ à peine sorti de terre piétine. Il ‘va certainement vers la résiliation (du contrat en cours).’ Indique Frédéric Djeuhon. Ceci, afin de ‘permettre à une autre entreprise de finaliser les travaux.’ Par rapport au retard pris dans l’exécution de ce chantier, le maire déclare: ‘Nous n’avons pas eu la main heureuse en tombant sur une entreprise qui n’a pas pu honorer tous ses engagements.’ Cette légèreté explicative suscite une interrogation. Celle de savoir si ce projet avait respecté les critères de passation de marché. Si la réponse est ‘oui,’ le verbe ‘tomber,’ contenu dans sa déclaration de ‘bonne intention’ convainc que le choix de cette entreprise ne se serait pas fait sans calcul—Sûrement en violation des règles requises pour l’octroi d’un marché. La réalisation ou non du ‘Complexe commercial de Bazou’—un nom ‘impressionnant,’ mais creux si l’on s’en tient à son assemblage architecturale—semble ne pas intéresser la population.
Quant au projet ‘route Bakong-Bazou,’ il est encore dans le tuyau. Il aurait déjà absorbé 150 millions de FCFA reçus du Fonds routier sur un coût de réalisation estimé à 236 millions de FCFA. Sur les fonds perçus, afin de faire ‘l’essentiel’ ou beaucoup avec peu, ‘un calage a dû être fait en prenant en compte les taches essentielle.’ précise le maire qui a ‘demandé à la population de mettre à la disposition de l’entreprise des moyens et matériaux dont elle a besoin pour finaliser ce chantier.’
Le premier constat négatif de ce rafistolage, est l’éboulement d’un flanc de colline sur le tracé de cette route. Ce qui a eu pour conséquence de boucher une partie des voies d’évacuation des eaux de pluie, et obstruer un angle de circulation de ce tronçon pas encore réceptionné. Deuxième constat. Si Djeuhon considérait la mairie comme ‘un pôle de questions-réponses,’ et un ‘cadre de concertation’ avec la population, il serait (re)venu auprès de cette dernière après avoir reçu la contribution du Fonds routier. Ensuite, il lui aurait expliqué le ‘besoin de financement’ de la mairie pour amener ce projet à son terme. Puis, il aurait fait (re)ressortir l’intérêt et l’importance de ‘rendre cette route carrossable à souhait,’ pour emprunter son expression. Mais l’arbitraire qui caractérise au Cameroun les gestionnaires des projets socio-économico-environnementaux en les déconnectant de la population avait pris le dessus. Assurément, le résultat attendu risque d’être en deçà des espérances.
Pour ce qui est de la ‘construction d’une morgue municipale,’ le maire a trouvé deux boucs émissaires(?) qui seraient à la base de la non-exécution définitive de ce projet. ‘Son partenaire financier qui était en train de perdre la boussole (expression un peu dure)’ et qu’il fallait ‘recadrer.’ Ce qui ‘s’est fait,’ s’est-il réjoui, ‘de manière familiale.’ En dehors de son partenaire financier qu’il fallait ‘recadrer,’ le maire devait aussi ‘sensibiliser certains conseillers municipaux qui n’avaient pas la bonne information et qui pouvaient soutenir des attitudes qui sont contreproductives au regard de ce projet.’
‘Recadrer’ un partenaire qui qu’il soit est techniquement justifiable. Le ‘hic!’ dans l’argumentaire du bourgmestre se trouve dans la ‘sensibilisation des conseillers municipaux qui n’avaient pas la bonne information.’ Un tel ‘rapiéçage’ sort des normes. Met à nu l’inefficacité de la ‘télégestion.’ Fait de l’information municipale l’affaire du clan qui lui serait acquis. Toute chose qui aurait cassé le pont d’une relation professionnelle franche entre le maire et ses collaborateurs.
Chapelets d’expertises approximatives
Le maire, d’une part, ‘n’a pas eu la main heureuse avec l’entreprise’ construisant le ‘Complexe commercial de Bazou.’ D’autre part, ‘un calage’ était nécessaire pour le projet ‘route Bakong-Bazou.’ Enfin, il lui a fallu ‘recadrer’ d’un côté son partenaire financier, et de l’autre, ‘sensibiliser certains conseillers municipaux’ pour ce qui est de la ‘construction d’une morgue municipale.’ Ces ajustements interrogent sur la manière dont les marchés sont passés, mais aussi sur la nature des relations que le maire cultive avec ses collaborateurs. Si l’on admet que ces questions sont tendancieuses, certains projets que le maire a portés jusqu’à l’enfantement militent et votent contre lui.
Survol! L’axe Bazou-Ndionzou est le concentré des échecs des projets routiers du maire Djeuhon. Récapitulatif—La colline de ‘Mbeuh Bo’ô,’ à un jet de pierre de la mairie, rebaptisée la ‘colline qui a des dents,’ est la misère des usagers. Les pierres qui revêtaient cette colline se sont reconverties en ‘dents de requin’ qui éventrent les pneus et causent des accidents aux conséquences humaines et matérielles multiples. A quelques mètres de cette ‘colline aux dents de requin,’ se dresse la colline ‘Tsebon.’ Bien qu’elle ne soit pas dramatiquement édentée, le pont qui porte le même nom en aval de cette colline, est dominé en saison pluvieuse par la boue dans les deux sens.
Plus loin, la colline pavée de Djeulou qui donnait une bonne image des chantiers du maire Djeuhon, est victime d’une expertise approximative des techniciens. Si les pierres sont encore en place, le bout de la pente descendante est attaqué par une érosion qui risque à terme de couper la route et démanteler les pierres par le bas. En considérant ces échecs, il est inutile d’éplucher les projets tels que ceux de ‘l’assainissement de la voirie’ ou de la construction d’une ‘cité communale de 40 appartements.’ Néanmoins, le maire pourrait s’instruire de ses ratés et échecs pour corriger ses insuffisances, et briser les obstacles qui minent la mise en route du stade de football de Djeuta—et réussir sa réalisation.
Valeurs en bandoulière
Critiquant les résultats de l’‘équipe dirigeante’ qui l’avait précédé à la mairie, Frédéric Djeuhon, disait qu’elle ‘manquait de vision.’ Sur ce point, il a parfaitement raison. Le ‘manque de vision’ est la recette la mieux partagée par l’essentiel des maires qui ont trôné à la tête de la commune de Bazou—donc malheureusement l’actuel maire, Djeuhon. Puisqu’‘une vision non-réalisée est un rêve mort’ qui ne permet pas de résoudre les problèmes. Mais plutôt d’ergoter, sans éviter à la commune de plonger dans le précipice de la stagnation, puis du recul, et enfin du sous-développement.
Pour que la commune de Bazou décolle socialement, culturellement, et économiquement, les maires devraient adjoindre à leur panoplie de projets flatteurs mais stériles, non seulement une enveloppe financière conséquente, mais également les valeurs d’éthique et de vertus, tels que le dialogue (concertation), le pragmatisme, l’optimisme, le bon sens, la générosité, le courage, la créativité, la tempérance, la douceur, la tolérance, la prudence, la grandeur d’âme, les bonnes pratiques (rapport philosophique avec le sexe et les sectes pernicieuses), qui sont comme les épices et le sel, qui assaisonnent un être.
Alors, lire ‘L’éthique à Nicomaque’ d’Aristote est fondamental parce qu’‘il pense le bonheur individuel en rapport avec le bonheur de la Cité.’ Les maires ‘affairistes’ qui ont la tête plongée dans leurs affaires privées au détriment du bien-être de leur commune, devraient retenir avec Aristote que ‘la richesse n’est évidemment pas le bien que nous cherchons: c’est seulement une chose utile, un moyen en vue d’une autre chose.’ En clair, ‘l’argent ne saurait être un but de la vie, elle ne peut être qu’un moyen.’ Par conséquent, ‘la richesse est rangée dans la catégorie de l’utile, et non du nécessaire.’ C’est pourquoi, ‘une vie consacrée à la richesse n’est pas une vie heureuse, parce qu’elle confond moyen et fin.’
Etranglées à la tâche
Les mauvais résultats du maire Dr. Ing. Frédéric Djeuhon à la commune de Bazou met en parallèle l’éthique, les connaissances théoriques et la pratique de celles-ci. Car, bardé d’un ‘CV grondant,’ la commune de Bazou s’avérait être un territoire trop étriqué pour qu’il ne puisse pas y exercer efficacement ses compétences et répondre aux attentes de la population. Pourtant, ses capacités intellectuelles et managériales ont été étranglées à la tâche.
Leçon générale
Les maires qui, comme Djeuhon pataugent dans une insuffisance de résultats, ont encore une chance. Profiter du rallonge du mandat des élus locaux pour colmater les brèches avant les prochaines campagnes électorales. Ils devraient pour cela naviguer sur trois fuseaux. Sur la crédibilité politique, éviter que les ‘projets mort-nés-—à l’instar de celui de construction de la route ‘Badionzou-Bassoudjan’ (13 km), momentanément enterré depuis 2018—, circulent en donnant l’impression qu’ils sont sur le point d’être exécutés, si ce n’est pas le cas.
Sur le plan de l’éthique, taire leur arrogance lors des rencontres formelles ou informelles avec la ‘diaspora consciente,’ et non la ‘crasse’ sponsorisée des réseaux sociaux. Ceci en mettant entre parenthèses leur bouffonnerie et petite bourgeoisie nègre. Car, la ‘diaspora positive’ en majorité se construit hors des sillages de la corruption spirituelle et de la compromission sectaire. Elle creuse le roc de vie loin des sillons de l’abaissement de sa personne intérieure et des passe-droits politiques. Sur l’hygiène morale, les maires ‘commerçants’ qui font plus dans ‘l’artisanat’—tenanciers d’hôtels, garages, bars-restaurants, vendeurs de produits pétroliers—que de faire un saut dans l’industrialisation, devraient casser d’une part, leur image d’homme d’affaires hautain et prétentieux. Briser d’autre part, leur égo surdimensionné. Ensuite, ‘descendre au niveau des vrais gens,’ comme on dit en Côte d’Ivoire. Puis, multiplier les ‘cadres de concertation.’ Pour enfin, prétendre réussir une greffe avec la population, et espérer restaurer leur image politique écornée.
Feumba Samen