Fâché avec Alassane Dramane Ouattara pour avoir lorgné très tôt le fauteuil présidentiel, Guillaume Soro a dû s’exiler en 2019 avant que ne s’abatte sur lui le couperet de la justice qui va le condamner par contumace pour la prison à vie en 2021. Entre le fils et le père qui se sont connus dans les années de braise de la Côte d’Ivoire, naît une crise qui, débordant le cadre « familial », se répand dans les médias.
Le fils dans ce rôle taillé sur mesure de victime, était le plus disert, s’abandonnant parfois à une inimitié pas si éloignée de la haine des identitaires ivoiriens envers son ancien mentor. Il a beaucoup voyagé en dehors du continent africain, affichant sa dégaine d’ancien rebelle et de candidat à la présidence ivoirienne qui bouscule les vieux héritiers et opposants d’Houphouët Boigny.
Mais voilà, tout lasse et on se lasse de tout. Le GPS, entendez par là, le parti Génération des peuples solidaires, a signalé la présence de Guillaume Soro en Turquie, où il aurait échappé à un enlèvement des autorités ivoiriennes. Cette histoire rocambolesque fera suite à une annonce de la fin de son exil sur les réseaux sociaux et à une présence médiatique conséquente de celui qui a arraché par les armes le nord de la Côte d’Ivoire à Laurent Gbagbo.
Guillaume Soro ne veut plus faire un hiver froid de plus en Europe, ou passer du temps dans les dunes chaudes du Qatar.
Il met fin à son exil, dit-il. En Côte d’Ivoire, les autorités applaudissent car, disent-elles, le pays est ouvert au retour des exilés. Surprise, au lieu d’Abidjan, c’est le 13 novembre 2023, au palais présidentiel de Niamey que l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire apparaît avec son éloquence proverbiale, reçu en audience par le général Tiani, chef de l’Etat du Niger. Bis repetita le 21 novembre 2023 à Ouagadougou, ville qu’il connaît bien, où il s’est montré avec le capitaine burkinabè, Ibrahim Traoré après le général nigérien. Il n’est pas encore président de la Côte d’Ivoire, mais il est reçu avec les honneurs par des chefs d’Etat.
C’est bon pour le moral et bien pour l’égo de Guillaume Soro, mais cela fait-il avancer son dossier, quand bien même il prétend que son retour en Côte d’Ivoire prendra moins de temps que son exil hors d’Afrique ? Si le fils d’Alassane veut montrer à son père qu’il est reçu par des présidents comme lui, que gagne le Burkina et le Niger en s’affichant avec l’ancien syndicaliste étudiant ? Comme il est en peine, « le Che », loin de la lagune Ebrié, rappelons-lui, quelques moments de sa vie dans une barque qu’il dirige sur une mer agitée et houleuse.
L’école buissonnière mène au maquis puis le pouvoir
C’est à Ouagadougou, que tout va prendre son essor pour cet étudiant qui, pour la politique, fait l’école buissonnière et prend un aller simple Paris-Ouagadougou dans les années 2000. Il vient rejoindre un IB, Coulibaly celui-là, qui demande à l’officier du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui s’occupe de « l’intendance » des chefs rebelles à Ouagadougou de venir à l’aéroport pour accueillir son « petit » qui vient avec un ordinateur au cas où la douane « causerait des soucis ». Cet après-midi-là, deux futurs Premier ministre de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso vont faire connaissance, chacun ignorant que les fées se sont penchées sur son berceau.
Laissons Yacouba Isaac Zida lui-même raconter : « Lorsque l’avion atterrit, j’étais avec IB au hall des arrivées. Soudainement, IB sauta de joie, lorsque je vis sortir un garçon très courtaud en jean bleu et blazer sombre, portant sous l’aisselle gauche une unité centrale d’ordinateur. Après les salutations et les présentations, nous sommes sortis de l’aéroport sans difficulté. … J’étais loin d’imaginer que cet étudiant se révèlerait être le cerveau d’une méga conspiration régionale avec la bénédiction de leur « tuteur » comme ils appelaient affectueusement Blaise Compaoré. » in Témoignages 1 Je suis ce que je suis de Yacouba Isaac Zida.
L’ancien Premier ministre du Burkina va tomber sous le charme du bon « petit » d’IB au fur et à mesure de leurs rencontres ultérieures. Guillaume Soro grandissait dans son estime pour son cerveau alors qu’IB prenait la pente descente pour n’avoir que des muscles.
Mais avec l’insurrection de 2014 les choses vont changer et Guillaume Soro a eu à faire à la justice militaire du Burkina Faso pour des enregistrements audios entre lui et le général Djibril Bassolé dans lesquels il voulait mettre le feu au pays et s’occuper personnellement de Salif Diallo et Sy Chérif. La justice, lors du procès du putsch, va lancer contre Guillaume Soro un mandat d’arrêt international, qui sera levé par le pouvoir prétendu démocratique comme il dit qui ne lui a pas permis de fouler le sol de l’Afrique.
C’est de Ouagadougou que IB Coulibaly et les autres militaires en exil à Ouagadougou vont rentrer en Côte d’Ivoire et déclencher le 19 septembre 2002 des attaques sur plusieurs villes du pays dont Abidjan, puis se replier au nord et à l’ouest du pays en faisant de Bouaké la seconde ville du pays, la capitale de la rébellion.
Guillaume Kigbafori Soro commence comme porte-parole, puis très vite devient le secrétaire général de la branche politique du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) qui, après les accords de Linas Marcousy en 2003, deviendra les Forces nouvelles de Côte d’Ivoire. En gérant le nord du pays, très vite Kigbafori Guillaume Soro va commencer à avoir de l’ascendant sur certains commandants de zone et à avoir du pouvoir même chez les militaires.
Les accords de paix de Ouagadougou et Soro devient Premier ministre
Guillaume Soro aime Ouagadougou avec juste raison. Que serait-il devenu, s’il n’avait pas laissé ses études d’anglais en plan pour venir s’associer à des soldats et sous-officiers putschistes en rébellion et en exil à Ouagadougou ? Serait-il devenu le patron des Forces nouvelles régnant sur la partie nord de la Côte d’Ivoire à Bouaké, s’il était resté un étudiant studieux qui ne se laisse pas dissiper de ses études ? S’il est devenu Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, c’est dû à son talent mais aussi aux circonstances et aux rencontres.
Car c’est bien après l’accord politique de Ouagadougou, obtenu par le médiateur Blaise Compaoré, qu’il est devenu le Premier ministre de Laurent Gbagbo en 2007. Faut-il y voir la main du dictateur déchu, chassé par son peuple par une insurrection en 2014 ? Ce qui est sûr, Ouagadougou a été un accélérateur de sa carrière politique. Alassane Dramane Ouattara reconnaît que Soro a beaucoup appris à ses côtés. Ce que le président ivoirien ne dit pas, c’est le moment de ses cours qu’il a donné à son fils.
Est-ce lors de ses séjours fréquents à Ouagadougou quand Soro et les militaires rebelles y séjournaient ? Est-ce lors des longues soirées à l’hôtel du Golfe d’Abidjan quand ils vivaient sous blocus ensemble entre décembre 2010 et avril 2011, lors de la crise postélectorale où Soro a choisi le camp d’Alassane Dramane Ouattara comme vainqueur de l’élection alors qu’il était le Premier ministre de Laurent Gbagbo ?
Il faut œuvrer toujours pour la paix
Guillaume Soro est un personnage complexe, même si les autorités burkinabè sont en froid avec celles ivoiriennes, il ne faudrait pas que le pouvoir du Burkina Faso aille au-delà du show fait par Guillaume Soro. Nous payons aujourd’hui, toutes les compromissions et les soutiens du dictateur Blaise Compaoré aux opposants et aux rebelles des autres pays particulièrement du Mali.
Si le pouvoir a compris qu’il faut une alliance entre le Burkina le Mali et le Niger pour vaincre le terrorisme, c’est parce qu’un pays ne peut être un ilot de paix entouré de la guerre et du chaos. Aussi il faut se concentrer sur nos problèmes et ne pas aider, soutenir ceux qui veulent en créer chez les voisins. Car tôt ou tard, cela nous reviendra comme un boomerang en pleine face.
De tous nos voisins, la Côte d’Ivoire est celui avec lequel nous sommes le plus lié par les millions de nos ressortissants qui y vivent, impliqué, imbriqué par l’histoire, la culture etc. Nous avons des petits commerçants qui vivaient de la vente de produits entre la Côte d’Ivoire et le Burkina par le train voyageur, rien que pour eux nous n’avons pas intérêt à instaurer une crise avec la Côte d’Ivoire. Laissons Guillaume Soro et son papa Alassane Ouattara régler leurs problèmes de famille. Luttons pour la paix chez nous, au Sahel, en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le monde.
Source: Lefaso.net. Le titre est de la rédaction.