Hama Amadou : « La France n’a pas signé des accords avec un régime mais avec un Etat ».

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Ancien premier ministre et président de l’assemblée nationale du Niger, par ailleurs fondateur du parti de l’opposition Lumana, il réagit au refus du président Macron de rappeler son ambassadeur dont les nouveaux dirigeants de son pays ont ordonné de quitter le territoire.

Il faut se dire la vérité, je pense que la France est en train de commettre une grave erreur. La France n’a pas signé les accords avec un régime mais avec un Etat. La France n’a pas à s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays même au nom de la démocratie. Si la France devait la faire, elle aura chaque année à organiser les bataillons pour aller restaurer la démocratie dans un pays d’Afrique. Aujourd’hui, on n’a pas fini avec le problème du Niger, voilà que surgit celui du Gabon. S’il faut faire la guerre au Niger, tout le monde s’attendra naturellement qu’on fasse également la guerre au Gabon ! Avant que le problème du Gabon soit résolu, il y aura certainement un autre coup d’Etat ailleurs. Vous croyez que cette approche belliciste de la France de vouloir résoudre les problèmes n’est pas de nature un peu néocoloniale ?

 Ceci est tout autant valable pour les autres pays ou organisations en occurrence l’Union européenne et la Cedeao avec lesquels coopèrent le Niger qui semblent soutenir la position française. Car, le principe de base en relations internationales est la souveraineté des pays. Et cette souveraineté appartient aux peuples de ces pays et non à quelqu’un de l’extérieur. Si les peuples d’un pays n’ont trouvé rien à redire à l’évènement qui concerne leur vie sociale et politique, les autres doivent apprendre à s’en accommoder et non à venir leur faire la guerre. Le Niger en faisant son coup d’Etat a créé le dommage à quel pays ? Evidemment, la France peut dire que ses intérêts sont en jeu. Ce qui n’est pas faux. Mais est-ce que c’est par la force que la France va entretenir des rapports qui vont préserver ses intérêts avec le Niger ? Je crois au contraire que c’est en respectant la souveraineté du Niger que la France peut discuter avec les nouveaux gouvernants. Elle peut même attendre que le gouvernement civil  élu démocratiquement, comme elle le souhaite, après que la transition soit mise en place pour entamer les pourparlers sur les modalités  de la présence française sur le sol nigérien.

Les nouvelles autorités (puisque le Niger n’a pas d’autres) demandent l’ambassadeur de France à venir discuter avec eux, il oppose un refus à cette convocation. Il dit officiellement ne pas  les reconnaître. S’il ne les reconnait pas, à quoi sert donc sa présence au Niger s’il ne peut pas parler avec ces autorités ce ne reste que pour l’intérêt de Bazoum. N’étant plus ambassadeur est désormais comme un émigré sans papiers.

En tant nigérien, je demande que soit respectée la souveraineté de mon pays. J’estime que c’est une erreur de la France de dire à son ambassadeur de ne pas répondre à la convocation des nouveaux dirigeants de son pays accréditaire. S’il refuse d’y aller, cela veut dire qu’il n’est plus ambassadeur. Du moins, jusqu’à ce que Bazoum revienne.

Au Niger, nous avons l’habitude des coups d’Etat. C’est le cinquième qui intervient dans ce pays. Sans contrainte et sans pression de qui que soit, naturellement, les nouveaux dirigeants remettent tout en place après un nettoyage. Il s’agit d’un esprit de régulation démocratique. Le système est bloqué, il faut le débloquer. On le fait et on se retire. Jusqu’à présent, c’est la mentalité qui prévaut chez les militaires nigériens qui ont pris le pouvoir. Et je ne doute pas qu’ils s’inscrivent dans la même logique.

Vous voyez comment les populations sont sorties massivement. Au début, on disait c’est uniquement la population Niamey parce que c’est le fief de l’opposition. Mais quand les populations des communes les plus reculées sortent pour soutenir les militaires, le discours devrait c

hanger. Car à travers cette mobilisation, il a été démontré que ce n’est pas une affaire de l’opposition. Encore moins du régionalisme et de  l’ethnicisme.

Hama Amadou

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