L’actrice et humoriste burkinabé produite en spectacle le mardi 24 octobre 2023 à l’IFC de Douala au Cameroun dans le cadre sa tournée africaine qui l’a conduit dans plusieurs pays africains, s’est confiée à notre rédaction. Elle est revenue sur sa représentation qui a éblouit et tenu en haleine le public de la capitale économique camerounaise. Cette comique qui vit en France avec une oreille collée au Burkina, son pays natal, par ailleurs chroniqueuse à France Inter, n’a pas hésité de se prononcer sur les sujets brûlants d’actualité dans la région du Sahel dont elle originaire. Lire.
Vous venez de vous produire pour la première fois à Douala, quel est votre impression à la suite de ce spectacle ?
Vous voyez comment je transpire. C’était tout simplement super. Je suis très heureuse. J’ai trouvé le public de Douala assez réceptif. L’osmose était au rendez-vous.
Revenons un peu sur votre spectacle que vous avez présenté au public « Je demande la route ». A quoi renvoie-t-il exactement ?
C’est un spectacle autobiographique mais qui ne se limite pas seulement sur moi et mon nombril. Je parle aussi des choses qui touchent la société. De l’immigration, des violences faites aux femmes, comment est-ce qu’on peut se reconstruire après avoir perdu un être cher. J’ai perdu mon père et mon grand frère en l’espace de six mois. C’était très compliqué pour moi. Ensuite, je suis arrivée en France et j’ai trouvé ma place. C’est un message d’espoir que je transmets aux gens et surtout aux jeunes. Mon plaisir est aussi de partager ce moment de bonheur et démontrer que les choses sont possibles.
Vous tournez beaucoup en dérision les relations France-Afrique. Pourquoi ce choix ?
(Rire)La France et l’Afrique, on est un très vieux couple. On se chamaille. Il y a des choses qu’il faut régler, c’est vrai. Mais je pense que pour finir, on est des parents à plaisanterie. Chez nous au Burkina Faso, je ne sais pas si c’est le cas pour d’autres pays d’Afrique, il existe une tradition qui s’appelle la parenté à plaisanterie. C’est une façon très polie de parler mal de son voisin. Ce sont des ethnies différentes qui peuvent plaisanter ensemble. Il y a un jour choisi où tu peux insulter la personne de l’ethnie avec laquelle tu plaisantes sans qu’elle ne réagisse. C’est ça en fait notre relation avec la France. On est des taquins. On se dit des choses tout doucement et quand ça ne va pas, il faut également qu’on se dise les vérités. C’est comme ça qu’on pourra marcher ensemble.
Comment une Bukinabé d’origine comme vous, vit-elle de loin les évènements qui se déroulent au Sahel ?
Je vis mal la situation au Sahel. Qui peut s’en réjouir? Ma mère vit dans l’est du pays, près des zones de combat. Au téléphone elle me dit qu’elle entend les détonations. Je suis morte d’inquiétude. Honnêtement, aussi importantes que soient les considérations géopolitiques, elles passent au second plan quand je pense à la sécurité de mes proches et de l’ensemble des populations sahéliennes.
Que pensez-vous de la suspension de la coopération avec les artistes et chercheurs de ces trois pays que sont le Mali, le Burkina et le Niger?
Je crois que dans un moment de grande tension diplomatiques entre les pays que vous citez et la France, il y a eu de part et d’autres des prises de position abusives. Le blocage des artistes mais aussi des étudiants et des chercheurs est une erreur grossière de mon point de vie. Dans la situation actuelle, ces populations ont besoin d’être soutenues, pas d’être prise en otage d’enjeux qui les dépassent. Cela dit je crois que la France a rapidement corrigé le tir. La ministre de la culture française a dit qu’aucun artiste ne sera censuré. Attendons voir.
Cette situation de tension entre votre pays d’origine le Burkina Faso et la France affecte-t-elle votre vie d’artiste ?
Bien sûr que oui. Je devais jouer au Burkina mais je ne peux pas m’y rendre parce qu’il y a eu des complications.
En tant qu’artiste, comment voyez-vous la sortie de cette crise?
Je ne lis pas dans l’avenir mais je suis sûre qu’on sortira de cette crise-là, tête haute. C’est la nature même des crises d’être des moments de bascule d’une situation à une autre. Je ne sais pas sur quoi la période actuelle va déboucher mais je ne peux que regretter que cette bascule se fasse sur un mode si dramatique
Nous avons remarqué qu’en plus de votre talent d’humoriste que vous êtes une très grande danseuse et que vous ne vous débrouillez pas si mal dans le chant. Ça veut dire qu’on verra un jour Roukiata muter pour ces autres disciplines artistiques ?
Beaucoup de gens me demandent qu’il faut que tu chantes. Sincèrement, je n’ai pas ce talent-là. Je laisse cela à ceux qui savent bien le faire. Il y en a qui savent mieux chanter que moi. De temps en temps, je mets quelques petits trucs comme ça (chant et danse) pour agrémenter mes spectacles, pas plus.
Comptez-vous revenir, si la proposition vous ait faite pour un autre spectacle au Cameroun ?
Oui. C’est avec grand plaisir que je reviendrai au Cameroun si l’occasion se représentait. J’en profite d’ailleurs pour remercier le public camerounais pour son accueil, sa gentillesse et sa bienveillance.
Propos recueillis par Félix EPEE.