Parent pauvre de l’information, le journalisme culturel fait partie des branches les moins considérées par les patrons de presse, qui de leur perception, semble ne pas être financièrement rentable au point où les articles qui y sont issus servent très souvent de remplissage de pages des journaux et magazines, s’ils ne sont pas purement et simplement supprimés.
C’est une réalité, la transformation numérique des entreprises médiatiques a bousculé l’ordre des choses, jusqu’à la suppression de la rubrique arts et culture dans certains médias. Le journaliste culturel se voit commander des papiers à l’occasion de couvertures sans grand impact, ou pour satisfaire un partenariat entre responsables. Aujourd’hui, de nombreux journalistes culturels résistent et font face à une crise pour la pérennité du métier. Ce webinaire du Forum IJNet accueillait des journalistes expérimentés, originaires de France, d’Haïti et du Canada : Eva Sophie, journaliste culture et société chez Jeune Afrique, Schultz Laurent Junior, rédacteur en chef du journal en ligne Écho Haïti et Catherine Lalonde, reporter à la culture au quotidien canadien Le Devoir.
Changer de perception
Pour écrire dans la rubrique culture, il est important de comprendre toutes les disciplines, afin de proposer un sujet pertinent autour d’une thématique et de ne pas s’éparpiller. « On a tendance à réduire cette branche du journalisme, alors que la culture est à l’intersection de plein d’autres branches : l’économie, par exemple, si l’on rédige un article sur l’industrie de la musique ou du cinéma. Ou encore à l’intersection de la politique si l’on traite d’un papier sur les politiques culturelles ou des politiques plus large, » explique Eva Sauphie, journaliste culture et société chez Jeune Afrique et enseignante à l’IEJ (Paris).
« Si on parle d’une exposition sur la décolonisation, on parlera de l’histoire coloniale et de l’histoire post-coloniale, mais aussi de la répercussion sur la société d’aujourd’hui, » précise-t-elle. Il faut changer de perception et élargir le champ sur ce qu’on appelle journalisme culturel, en sortant de l’agenda culturel, car dans le journalisme, il y a du reportage, de l’enquête, etc.
Se diversifier dans le traitement médiatique est souhaitable, mais il n’est pas le même d’une rédaction à une autre. « En Amérique du Nord, il y a une confusion entre la culture et le divertissement, » raconte la journaliste canadienne Catherine Lalonde, reporter à la culture au quotidien canadien Le Devoir. « Un journaliste ‘généraliste’ peut tout couvrir, car il pose son regard sur tout. Toutefois, un journaliste culturel a plus d’impact et ne pourra pas écrire en économie comme il écrit en culture, » souligne-t-elle.
Un métier rigoureux
« Ce n’est pas un métier facile. Il faut s’y mettre corps et âme pour rester dans l’objectivité de l’information que l’on doit relayer, » explique Schultz Laurent Junior, rédacteur en chef du média en ligne L’Echos d’Haïti, poète, auteur d’une centaine d’articles sur les arts et la culture. « Quand j’ai commencé le journalisme culturel en 1999 au quotidien haïtien Le Nouvelliste, il y avait beaucoup de journalistes professionnels chevronnés. Ces derniers m’ont fait douter. Au point où je me suis demandé si j’arriverai à faire carrière dans ce métier. C’est un métier exigeant, » avoue-t-il, tout en encourageant les journalistes a travaillé davantage. « Le journaliste doit se former, il ne peut pas se contenter de relayer des informations. »
En effet, on ne naît pas journaliste culturel ; on le devient avec le travail et un apprentissage minutieux. Catherine Lalonde explique que le fait d’être formée à la danse est un atout dans son parcours journalistique : « Je viens de la danse. Je n’ai pas été formée au journalisme. On m’a proposé d’être journaliste et j’ai travaillé sur le tas. C’était un apprentissage d’une violence incroyable, » se rappelle-t-elle.
Un apprentissage minutieux
Les invités du webinaire sont originaires de trois pays différents. Pourtant, ils sont liés par les mêmes réalités post-pandémie. La journaliste Eva Sauphie explique qu’en France, « depuis la pandémie, les rédactions ont subi des plans sociaux et les premiers qui ont été impactés, ce sont les journalistes de la section culture. La majorité des rédactions gardent un chef de section et le reste se sont des pigistes, moi-même, je suis pigiste, ce qui traduit parfaitement la réalité. »
Pour Catherine Lalonde, le métier de journaliste culturel est en crise : « Il y a la crise dans le journalisme, et la crise dans la culture elle-même, ce qui fait que le journalisme culturel souffre. Les journalistes culturels spécialistes sont à la pige, ceci précarise leur métier. » Du côté d’Haïti, Schultz Laurent Junior confirme que l’activité culturelle est riche, cependant la « formation spécialisée n’est pas disponible pour le journaliste culturel, encore moins les moyens. »
Crises et solutions
Malgré les difficultés du métier, les panelistes sont unanimes sur l’importance de persévérer et de se dépasser soi-même. Eva Sauphie affirme qu’on peut vivre du journalisme culturel, « bien que ce soit un secteur qui est en crise structurelle et contextuelle. Cependant, il faut persévérer, aller chercher des angles originaux et prendre de la hauteur par rapport aux évènements qui se présente à nous. »
Pour bien exercer son métier de journaliste culturel, il est indispensable :
De poursuivre des formations journalistiques tout en adaptant le style aux différents formats sur lesquels on publie, ou en essayant de nouveaux formats.
De s’initier aux arts, aux cultures locales et de comprendre les œuvres des artistes, afin de traduire la vision ou la sensibilité globale au lectorat.
De s’initier aux arts, aux cultures locales et de comprendre les œuvres des artistes, afin de traduire la vision ou la sensibilité globale au lectorat.
Source: IJNet & mibiamafrica