Démolition des bâtiments à risque à Douala : La CUD, un médecin après la mort ?

Administrateur

Le maire de la ville de Douala Roger Mbassa Ndinè et Benjamin Mboutou, préfet du Wouri sont rentrés en croisade contre les bâtiments présentant les signes de fébrilité. Cette mesure qui consiste à la démolition de ces édifices non conformes et implantés dans les zones à risque survient suite à l’effondrement d’un immeuble qui a fait une quarantaine de morts dans la capitale économique. Elle vise, selon l’exécutif communal, à sauver les vies mais aussi à faire appliquer la règlementation en vigueur. Une application sans faiblesse des textes qui encadrent le processus de construction instruite par le premier ministre, chef du gouvernement aux différents exécutifs communaux sur l’étendue du territoire.

Environ une centaine d’immeubles recensés dans différents quartiers de la ville de Douala sont concernés par cette décision. Enorme. Quand on sait la facture que cela représente pour cette municipalité et le nombre de sans-abris que cette mesure va provoquer. 

Un des immeubles qui jouxtait l’immeuble effondré a déjà connu les foudres de la loi. Plusieurs autres dans la même zone se sont vu apposer des scellés. Leurs occupants ont été priés au préalable de libérer les lieux dans de brefs délais. Pour quelle destination ? Personne n’ose se poser la question et s’en préoccuper. Ni même les autorités municipales sensées s’occuper du volet social de ces démolitions. Les occupants de ces bâtiments mis devant le fait accompli doivent se débrouiller eux-mêmes à trouver un nouveau logis. Comme ils ont eu à le faire en intégrant ces immeubles à risque ou en installant et implantant leurs maisons dans les zones interdites de construction à l’absence des logements sociaux qui ne leur donnaient pas d’autres possibilités.

Une implantation encouragée, cependant par la cupidité et l’insouciance de certains fonctionnaires au sommet de l’Etat et agents municipaux qui délivrent les titres fonciers et les permis de construire dans ces zones non constructibles. Les chiffres liés à ce laxisme sont alarmants. Au moins 80 sur 100 immeubles construits et recensés à Douala n’ont pas de permis de bâtir.

Et ce désordre ne date pas d’aujourd’hui. Des informations en notre possession nous laissent savoir qu’il était difficile avant les années 90 d’entendre parler de l’effondrement d’un immeuble dans nos cités. Même s’il faut le reconnaître le type de maison n’était pas le même. Le phénomène a pris de l’ampleur dans les années 2000 avec une propension pour de nombreux camerounais à devenir promoteurs immobiliers et pendant lesquelles les bâtiments en plain-pied, moins exigeants en matière de suivi, ont cédé place aux immeubles de plusieurs étages. Ceci du fait des plans d’ajustement structurel imposé au Cameroun à l’époque par le Fonds monétaire International qui ont paupérisé les populations et réduit les moyens de l’Etat à l’investissement.

Cette restructuration de l’économie camerounaise a, par ailleurs, engendré pendant plusieurs années une grande corruption jusqu’au plus haut sommet de l’Etat qui a poussé les fonctionnaires en charge des problèmes liés au bâtiment à fermer les yeux, moyennant les pots de vin, sur les mesures à respecter dans le processus de construction. A savoir, le respect des normes, de la qualité des matériaux à utiliser, du nombre d’étages prévues, d’un personnel qualifié et de l’existence d’un permis de bâtir délivré par les autorités compétentes. Quelques personnes averties et spécialistes du bâtiment ont dû à plusieurs reprises attirer l’attention de nos autorités sur les dangers de ces pratiques, sans suite.

A chaque effondrement, on assiste à un ballet des autorités administratives sur le terrain pour constater les dégâts comme c’était le cas au mois de juillet dernier au lieu-dit Mobil Guiness à Douala. Aussitôt partis et le temps d’atténuer le choc et les émotions provoquées par ce drame, la page est vite tournée. Ce, pour attendre un autre effondrement pour reprendre le même cirque.  

Nous sommes ainsi à un énième effondrement dans cette ville qui emporte les vies humaines. On attendait pourtant voir les sanctions tomber et les responsables de cet effondrement interpellés, en vain. Aucune réaction, ni communication faite sur le sujet par les autorités municipales de la ville.

Comment pourrons-nous, à cette allure, dissuader tous ceux qui prennent le risque de jouer avec les vies humaines en contournant les règles à quelque niveau que ce soit dans la chaine de construction ? Impossible, par ailleurs, de stopper le phénomène, sans disponibilité du rapport des experts après enquêtes permettant de savoir sur quel levier actionner.

En même temps, une question demeure. Où la mairie de la ville de Douala  va-t-elle trouver les moyens pour mener à bien ces opérations de démolition ? Alors que quelques immeubles dans la ville qui sont depuis plus de dix ans sous le coup de cette mesure sont encore debout jusqu’à présent, exposant ainsi les populations à un autre danger. On peut citer à titre d’exemple l’immeuble de six niveaux situé à la rue Mermoz à Akwa à Douala qui avait emporté dans son effondrement une femme enceinte et sa fille de quatre ans dont un pan trône curieusement encore en ces lieux, faute de moyens.  

On sait que la loi exige que les frais de destruction soient supportés par le promoteur de l’immeuble. Mais comment pourra-t-on procéder pour contraindre ce dernier qui vient de perdre un si important investissement à mettre la main dans la poche? Va-t-on saisir ses comptes en banque? Il faut déjà qu’il en ait qui soit fourni.

En matière de construction, la mairie et la préfecture sont les institutions qui partagent la responsabilité de la maitrise de l’urbanisation vis-à-vis des risques naturels et technologiques .

La mairie fixe, par ailleurs, les orientations en matière d’aménagement du territoire et veillent au respect et à l’application des règles dans tout le processus . Et cela doit se faire avec rigueur et un bon suivi pour éviter que ça ne débouche à des conséquences graves, voire irréversibles. Sinon, la responsabilité de collectivité territoriale peut être engagée pour absence ou insuffisance des mesures de prévention. Elle a également le devoir en cas de catastrophe comme celle qu’on a connue dernièrement de mettre tous les moyens disponibles pour, non seulement, secourir les victimes mais aussi leur offrir provisoirement des abris ou les accompagner à trouver de nouveaux logements. Ce qui n’est que légitime dans une situation de sinistre.

Malheureusement, si on a pu voir une certaine mobilisation pour ce qui est des secours et en dehors des blessés pris en charge par le gouvernement, il n’en est pas moins que c’est plutôt l’insouciance, voire l’indifférence dont a fait l’objet les sinistrés en matière d’accompagnement de la part de la mairie de la ville. Une copie à corriger si la Communauté urbaine de Douala veut se positionner comme une institution citoyenne prête à veiller sur les vies et venir en aide à ses habitants. Sachant qu’un médecin qui peut prévenir la maladie est plus estimé  que celui qui travaille à la guérir.

Félix EPEE.

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