Malgré toutes les décisions de justice rendues en sa faveur, la Société Immobilière du Cameroun, n’entend pas respecter le droit qui a été dit par les instances de justice du pays. Une situation qui interpelle les gouvernants à repenser les mécanismes d’exécution des décisions de justice dans notre République qui est pourtant celle de droit.
Quatre années après son décès, l’âme de NJEHOYA Jean-Claude ne reposera certainement pas en paix, tant le combat juridique pour la rétrocession de ses biens et le retour dans ses droits contre la Société Immobilière du Cameroun (Sic) sur l’acquisition d’un logement, n’est pas prêt de livrer son verdict et de rentrer définitivement dans les tiroirs. Les raisons de cette absence de paix post-mortem résident dans ce branle-bas de combat juridique engagé de son vivant contre la Sic, par ailleurs, ancien partenaire d’affaire.
Selon la documentation mise à notre disposition par la famille, ainsi que de la version qu’elle a pu nous donner, tout commence en 1993, lorsque Jean-Claude NJEHOYA établit un nouveau plan de financement avec la Sic, pour l’acquisition du logement G40. T4 PSM, au quartier Makèpè. Accord passé en 1991. Contrairement à l’ancien plan de financement selon ce qui transparait de la documentation en notre possession, qui prévoyait le versement d’un montant de 101.365 Fcfa par mois. Pour une durée de huit (08) ans. Soit du 01 avril 1991 au 31 mars 1999. Le nouveau plan approuvé par le Chef service des ventes le 22 septembre 1993, prévoit quant à lui, le versement d’un montant de 59.620 Fcfa /mois, pour une durée de onze (11) ans, soit du 01 octobre 1993 au 30 septembre 2004. C’est malheureusement ce nouveau plan qui n’a pas été pris en compte par la Sic au point d’en être la pomme de discorde et ouvrir le flanc à des interminables procès.
En effet, par correspondance datant du 16 octobre 1995, Jean-Claude NJEHOYA saisissait le Chef service des ventes de la Sic de Douala, à l’effet de mettre à jour son dossier. Dans cette correspondance, Jean-Claude NJEHOYA rappelait au Chef service des ventes, les raisons qui ont présidé la demande du dernier plan de financement. « Suite à mes doléances et depuis le 22 septembre 1993, date à laquelle un nouveau plan de financement a été mis en place d’un commun accord à compter du 1er octobre 1993 entre la Sic et moi comme l’atteste la copie ci-jointe, l’agence de Yaoundé où j’effectue mes paiements continue à maintenir le montant de versement mensuel de : 101.365 Fcfa que je suis incapable de respecter au lieu de : 59.620 Fcfa comme convenu. » Peut-on lire dans cette correspondance dans laquelle il conclut en interpellant la sollicitude du Chef service des ventes de se pencher sur cette situation. « Raison pour laquelle, je sollicite une fois de plus, votre intervention afin que cette situation puisse se régulariser de peur de toujours figurer sur la liste de vos débiteurs. » Malheureusement, cette interpellation ne connaitra aucune issue favorable puisque, le 7 octobre 1996, Jean-Claude NJEHOYA recevra une ordonnance des référés du Tpi de Douala demandant son expulsion. On peut lire parmi entre autres motifs : « Qu’aux termes de l’article du contrat signés par les parties, le défaut de paiement d’un terme de loyer constitue à son échéance, est une cause de résiliation ; qu’il y a urgence à ce qu’elle récupère son logement pour pouvoir le relouer afin de limiter le préjudice qu’elle subit. »
Jugement civil contradictoire
La grosse curiosité, cependant, dans cette ordonnance réside dans l’un des motifs. « Attendu que la partie défenderesse régulièrement assignée ne comparait pas ni personne pour la représenter. » On est en droit de s’interroger si effectivement Jean-Claude NJEHOYA a été notifié à comparaitre. Effectivement, la suite des événements nous laisse croire le contraire. Car, après sa saisine, le Tpi de Yaoundé rendait son verdict dans un jugement civil contradictoire en faveur de Jean-Claude NJEHOYA le 8 octobre 2001. Dans ses décisions, le Tpi « Constate la validité du contrat de location-vente du logement G40 T4 PSM du groupe Makèpè Douala, passé entre J-C N et la Sic ; ordonne l’expulsion de tout occupant du logement G40 T4 PSM ; ordonne la réintégration dans les lieux sous astreinte de 10.000 Fcfa/jour de retard à compter de la notification de la présente décision ; condamne la Sic aux dépens » Malgré sa requête d’appel du 19 décembre 2001 dans laquelle la Sic interjetait formellement appel à la Cour d’appel du centre, contre le jugement civil rendu le 8 octobre 2001 par le Tpi de Yaoundé Chambre civile et commerciale, dans la cause qui l’oppose à M. NJEHOYA Jean-Claude, la Cour d’appel du centre dans sa décision du 12 novembre 2003, remet sieur NJEHOYA dans ses droits en constatant la validité du contrat de location-vente du logement G40 passé entre les deux parties. Elle ordonne par ailleurs l’expulsion de tout occupant dudit logement et réintègre Jean-Claude NJEHOYA dans les lieux sous astreinte de 10.000 Fcfa/ jour de retard à compter de la date de notification et condamne la Sic aux dépens.
Cependant, selon le parallélisme des formes qui a présidé à l’expulsion de Jean-Claude NJEHOYA à la suite du tout premier verdict rendu par le Tpi de Douala saisi par la Sic, on se serait attendu que la Sic en retour respecte les différentes décisions de justice rendues à la fois par le Tpi de Yaoundé ainsi que le verdict de la Cour d’appel du centre. Que nenni ! Une situation qui laisse effectivement croire qu’on est en présence du deux poids deux mesures où le plus puissant dicte sa loi.
La famille estime ainsi être spoliée et flouée et n’être à ce jour, pas rentrée dans ses droits. En attendant la décision de la Cour suprême, saisie par la Sic le 3 février 2005, à l’effet de la suspension pure et simple de l’arrêt de la Coup d’appel du Centre jusqu’à l’issue du pourvoi, la situation connait le statuquo et la Sic n’a jusqu’ici, pas exécuté les décisions de justice rendues jusqu’à lors.
Exécution des décisions de justice en question
Cette situation ramène une fois de plus le débat sur la question de l’exécution des décisions de justice dans notre pays et de la personne, mieux, l’instance ou l’institution chargée de les mettre à exécution. L’affaire NJEHOYA nous démontre à suffisance qu’une fois que la justice a rendu une décision frappée de l’autorité de la chose jugée, l’exécution devient une autre paire de manche. Dans une République de droit comme celle du Cameroun où la séparation des pouvoirs est respectée et la consolidation de la promotion des droits de l’homme est affirmée, la liberté et l’autorité de la justice ne devraient faire l’objet d’aucun obstacle tel qu’on l’observe dans cette affaire. Une seule raison d’après le Dr ESSOMBA, enseignant de Droit à l’Université de Douala qui pense « Qu’une seule raison fondamentale peut justifier l’inexécution des décisions de justices dans notre pays. C’est le fait de ne pas mettre sous astreinte l’administration. » L’Etat devrait donc se pencher sur cette question qui, somme toute, devrait se résoudre de manière normale et automatique.
Contactée depuis le 26 mai 2023 pour avoir sa version des faits dans cette histoire, après plusieurs passages, la Sic d’abord, à travers son agence de Makèpè à Douala, puis la délégation régionale à Bonanjo, c’est finalement plus d’un mois, précisément le 04 juillet 2023 que nous recevons un appel du Bureau de la gestion immobilière de la Sic Kotto à Douala. L’agent qui nous reçoit a confessé sa totale ignorance du dossier. Toutefois, il nous rassure avoir pris acte en nous promettant de faire le point à sa hiérarchie. De son côté, la famille, à travers les enfants NJEHOYA, se dit, malgré tout, disposée et ouverte à tout dialogue. Elle dit par ailleurs saisir dans les prochains jours le Directeur général de cette entreprise publique immobilière pour trouver des voies de sorties de crise qui conviennent aux deux parties, afin que cette situation connaisse une résolution définitive.
Malcolm Radykhal EPANDA