Décédé le 06 décembre 2024 dernier, son Altesse royal Tchoua Kemajou Vincent a eu droit aux obsèques dignes de ce nom le samedi 08 février 2025 dans son village natal à Bazou. Cette cérémonie funèbre et d’hommages a été aussi l’occasion de présenter le nouveau roi, Happy Tchoua Marcelin, devant une foule immense et les invités de marque venus de l’extérieur et différentes régions du pays. Vie et héritage de ce souverain proche du peuple qui a dirigé cette chefferie emblématique du département du Ndé dans la région de l’Ouest-Cameroun pendant 40 ans.

Par respect pour son caractère sacré, des expressions nuancées sont utilisées pour annoncer la mort d’un roi dans certaines régions des pays africains. Lorsque le Souverain Tchoua Kemajou Vincent, du Royaume Bazou est ‘entré en forêt’ le 6 décembre 2024, les Royaumes Bamena, Bangou, et Bangoulap, émus et consternés, se sont associés dans la douleur—selon les us et coutumes locales—au peuple du Royaume Bazou frappé de stupeur par cette disparition. Tchoua, un des Rois emblématiques de l’Ouest-Cameroun, laisse un riche héritage et un testament ‘costaud‘ pour la postérité.
Intronisation
Onzième Roi (23 janvier 1984-6 décembre 2024) de la dynastie de la Chefferie Supérieure Bazou établie par le Roi Tayo ‘Tchuibou’ (1689 à 1701), le Souverain Tchoua Kemajou succède à son père Daniel Kemajou (11 octobre 1921-14 janvier 1984)—Homme politique, ancien conseiller de l’Union française, ancien président de l’Assemblée législative du Cameroun, et maire de Nkongsamba lorsque cette ville était la 3e du Cameroun. Le 15 octobre 1959, ce dernier a prononcé un discours contre les pleins pouvoirs exécutifs demandés par le président Ahmadou Ahidjo. A sa mort en 1984, ce sont leurs Majestés, Chefs Supérieurs Bamena, Bangou et Bangoulap, alliés du peuple Bazou, qui devraient installer son successeur Tchoua Kemajou comme Suzerain du Royaume Bazou. Malheureusement, Marcel Tayo, Roi Bangou, n’était qu’un régent intérimaire. Par conséquent, il n’avait aucune onction coutumière pour introniser un Roi. C’est donc les Rois Bamena et Bangoulap, et le collège des 7 et 9 notables, qui avaient investi le Roi Tchoua.

Réhabilitation du trône Bangou
Illustre gardien des traditions, il reçoit en 1995 la visite de l’ensemble de la Cour Royale Bangou à la Chefferie Bazou. Ce jour, il lui est remis les reliques du Roi Paul Bernard Kemayou, mort en exil assassiné le 17 octobre 1985 à Conakry. Suite à cette visite, le Roi Tchoua, accompagné des feux Rois Bamena et Bangoulap, rencontrent à Chefferie Bangou le Chef Supérieur par intérim Marcel Tayo. Ceci, pour restituer les restes mortuaires du Roi Bernard Kemayou, afin de procéder à l’inhumation au sanctuaire royal. Malheureusement, malgré deux semaines d’intenses négociations, le chef Tayo s’y oppose. En 2001, un arrêté préfectoral institue une commission ayant à sa tête le préfet des Hauts-plateaux, chargée d’examiner et d’arrêter les modalités pratiques d’inhumation des restes mortuaires de Feuh Roi Kemayou Bernard. Une fois encore, le régent Tayo marque son refus, arguant que son prédécesseur avait été destitué et exilé.
Pourtant, en 1983, le Président Paul Biya avait proclamé une amnistie générale, et un décret présidentiel avait été signé ordonnant le rapatriement du corps du Roi Kemayou au Cameroun. Ce dernier, comme tous les chefs en exil à l’instar de Mayi Matip (Nyong-et-Kéllé), le Chef Badenkop (Département des Hauts-Plateaux), village voisin de Bangou (Hauts-Plateaux), le Chef Baleveng (Menoua), et le Chef Supérieur Bazou, avaient bénéficié de cette amnistie générale et rentrés dans leurs droits coutumiers. S. M Sokoudjou Jean Rameau, Roi des Bamendjou (Hauts-Plateaux), doyen des chefs traditionnels et supérieur de l’Ouest, soutient le Roi Tchoua pour tenter de corriger l’erreur historique de la lignée royale Bangou. Ils penchent pour le successeur du défunt Roi Kemayou. Sa Majesté Tchoua qui a gardé les restes de Feuh Paul Bernard Kemayou pendant 25 ans, a usé de sagesse et savoir-faire pour canaliser et ramener le trône à la lignée de Feuh Kemayou Bernard, malgré les interventions parfois incohérentes de l’administration.

Roi aux multiples sollicitations
Sa Majesté Tchoua Kemajou s’impose par sa capacité à conserver de bonnes relations avec la plupart des chefferies et Royaumes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de Cameroun. En plus, il se distingue par sa contribution à la valorisation des us et coutumes, aux traditions, et cultes africains. Sur ces faits, Sa Majesté Roi Dissake Mouangue Alain, Chef Traditionnel de Bonamoukouri-Bonakouamouang, témoigne. ‘En 2018, à l’occasion du 2e Sommet International sur l’Acculturation organisé par l’ONG Wocotomadi les 04 et 05 août 2018 à Boston aux Etats Unis, ayant rassemblé des acteurs issus des gouvernements, des autorités locales, des parlementaires, des ONG ainsi que des milieux académiques et de la recherche autour des problématiques liées à l’acculturation, l’implication du Roi Kemajou et sa contribution dans les débats ont non seulement enrichie et donné un cachet particulier à ces travaux, mais constitué une source immense de connaissance.’
Invité d’une part pour ses conseils, son dynamisme, son intelligence, sa sagesse, et d’autre part pour sa connaissance socio-anthropologique de l’Afrique, et enfin pour sa maîtrise du cultuel, Sa Majesté Tchoua a été au cœur de plusieurs conférences et colloques à travers le monde. Sur invitation de Dada Tossoh Gbaguidi XIII, Roi du Royaume de Savalou au Benin, il effectue du 27 avril au 2 mai 2007, une visite d’amitié aux têtes couronnées du Conseil National des Rois du Benin. Séjour, au cour duquel, il prend une part active àla conférence-débat réunissant les têtes couronnées, les intellectuels et professeurs d’université, les élus locaux, les personnalités africaines, et autorités administratives, sur le thème, ‘Importance des royautés dans la situation socio politique des pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest,’ dont l’objectif était de restituer la place du pouvoir traditionnel dans les Etats Africains, dans la perspective de coopération entre les différentes royautés d’Afrique.
Monarque réformateur
Homme de cœur. Rassembleur. Réformateur. Il transcende les barrières pour unir les Bazou dans l’harmonie. Dès son ascension au trône, il entreprend la reconstruction de la chefferie réduite en cendre pendant les guerres d’indépendance. Lors d’un Nzouh Mbigoup, danse rituelle de purification du village, il interdit le phénomène d’‘enterrement-funérailles.’ Pratique qui consistait à arriver au village aux premières lueurs du jour avec des cercueils, procéder aux obsèques du défunt, puis repartir ce même jour. Derrière cette décision apparemment anodine, ce Roi a obligé sans contraintes les Bazou à construire chacun(?) une case dans son village. Résultat, le royaume est en chantier. Des châteaux poussent, malgré des ingénieurs/techniciens/quincaillers locaux excessivement malhonnêtes.
Festival Kekua

Esprit créatif, il a institué le ‘Festival Kekua.’ A propos de ce plat sacré typiquement Bazou, il a déclaré, ‘le Kekua n’est pas qu’un plat, c’est un symbole de partage et de rassemblement pour nous, Bazou.’ En effet, c’est un moment au cours duquel les Bazou présentent leurs vœux de nouvel an au Souverain et lui offrent des dons. A cette occasion, il ennoblit quelques personnes. Mieux, cette célébration n’a pas seulement un caractère festif. C’est aussi une occasion de réflexion sur les orientations du développement du Royaume. Gardien des traditions, très attaché à l’identité et aux valeurs culturelles Bazou, le Roi Tchoua promeut entre autres valeurs culturelles, le ‘Tchitcha’ et le ‘koula’ dont il était à la fois bon danseur et excellent instrumentaliste.
Suzerain du peuple
Contrairement à d’autres souverains qui peuvent sembler distants, le Roi Tchoua se distingue par son leadership de proximité. Un protocole très léger. Presqu’inexistant. Tout au long de son règne, il s’est efforcé à montrer une image de roi juste et équitable, malgré quelques glissements dans les questions successorales, et la création d’un quartier artificiel dans les flans de Dionzou. Bien qu’il ait gagné la faveur de son peuple, renforcé son autorité, il aurait été trahi par ses relations humaines décomplexées. Crucifié sur l’autel des cercles obscurs en conflit.

Roi, diaspora et développement
Déterminé à servir son Royaume avec rigueur et engagement, il n’a jamais voulu laisser une frange des Bazou sur le quai. Alors, il a établi un pont entre les Bazou de l’extérieur et ceux de l’intérieur. Ce pilier essentiel pour le développement de Bazou invite non seulement les Bazou de l’extérieur à investir dans son Royaume pour son développement socio-économico-culturel, mais aussi les Camerounais d’autres régions et les Africains. Pour caricaturer son désir profond d’union des forces pour l’épanouissement et le développement de son Royaume, il disait, ‘notre peuple est fort lorsqu’il est uni, qu’il soit ici ou ailleurs, d’ici ou d’ailleurs.’
Tournée d’adieux
Mais toute vie ou toute œuvre a une fin. Ainsi, à l’approche de la mort, bien des gens montrent des signes de confusion et d’agitation. Certains perdent connaissance. D’autres cessent de réagir à ce qui se passe autour d’eux. Ils deviennent songeurs. Passent plus de temps à réfléchir qu’à communiquer. Des symptômes de délire apparaissent. Mais cela n’a pas été le cas pour le Roi Tchoua Kemajou. Lui seul savait qu’il rejoindrait bientôt ses ancêtres. Dans cette perspective, il a entamé le 10 novembre 2024 une tournée d’adieux dans les 63 villages sous son commandement. Officiellement, ce périple s’inscrit au registre de la pré-célébration de ses 40 ans de règne. Tout est pavoisé et décoré de symboles royaux pour l’accueillir. Ovations. Youyous. Chants. Danse. Sons de canons…rythment sa communion avec son peuple.
Le soir du 23 novembre, avant que les lampions ne s’éteignent sur la célébration de ses 40 ans de règne, des festivités éclatées sont organisées en son honneur par la haute société de Bazou. Tous, de bonne foi, célèbrent le règne de leur Suzerain. Seul Sa Majesté Tchoua sait que c’est la dernière fois qu’il communie avec son peuple. Il aurait voulu pour cela que tout se passa discrètement. Mais il n’a pu effacer le caractère de sa naissance—celui de sa royauté. En définitive, ce descendant du trône de Feuh Tayo ‘Tchuibou’ n’est pas déçu de la bienveillance de son peuple. Il est surtout heureux qu’il soit enfin parvenu à ses fins—dire discrètement adieux à sa population.
Entré en forêt
Le 6 décembre 2024, le Roi Tchoua Kemajou a ‘quitté la forêt sacrée’ des suites de maladie(?). Quelques heures plus tard, il reposait provisoirement auprès de ses ancêtres dans le sanctuaire royal. Selon les traditions locales, qui perdurent dans cet ancien Royaume, il revenait aux Rois Bamena, Bangou, et Bangoulap, la triste mission d’annoncer au peuple du NDE et de l’Ouest, aux Camerounais et à la communauté extra-Camerounaise, que la ‘nuit est tombée’ sur le Royaume Bazou. Et que le jour ne se lèvera pas tant que les funérailles officielles du Roi n’auront pas lieu. Une semaine plus tard (le 13 décembre), les Rois Bamena, Bangou, et Bangoulap, déchirés par la douleur, mais présents autour du peuple Bazou déchiqueté et affligé par cette immense perte, rendent public la triste nouvelle.

Tchoua Kemajou, se retire de la scène après 40 ans de règne. Tous les espoirs du peuple Bazou, qui reposaient sur ce Roi charismatique s’effondrent brutalement. Souverain d’exception, Sa Majesté Tchoua—Greffier (1978-2000), Maire de Bazou (1985-1995), Conseiller régional de la Région de l’Ouest (2020-2024), Officier du mérite Camerounais, Médaille d’honneur du travail Or, Argent, Vermeil—ne laisse pas son peuple orphelin. En esprit il sera toujours là.
Modification du code vie
En attendant que les ‘initiés retrouvent le Roi,’ le mode de vie des Bazou est légèrement ajusté. ‘Aucune manifestation publique n’est autorisée. Sont suspendues les funérailles, la résonnance de tam-tams, et les organisations des cérémonies dans les associations et organismes d’obédience Bazou du Cameroun et de la diaspora. L’utilisation de la houe est interdite pour toute activité agraire ou agricole dans l’ensemble des 63 villages du groupement Bazou. Néanmoins, les obsèques sans tam-tams et l’utilisation des outils agraires autres que la houe sont autorisés.’
Vacance et appétits du pouvoir
Le ‘grand voyage’ de Sa Majesté Tchoua révèle des ogres dans ses rangs et dans son Royaume. Le lendemain de ce ‘voyage,’ Tchoukoua Tchoukoua Francis Achille, s’auto-identifiant comme ‘Son Altesse Le Prince Héritier’ Soumzang, a envoyé une ‘lettre ouverte au futur Roi du Royaume Bazou.’ Dans ce ‘bouillon’ d’injures et de menaces, il s’appuie sur les procès-verbaux dressés sous Protectorat Allemand (13 Juillet 1923), et sous Tutelle Française (30 Novembre 1948) pour réclamer sa ‘sécession’(?) du Royaume Bazou. Seul dans sa mésaventure sans sa communauté, il se tasse.
Il y a pire—Feutchabou Djeuha Fomen Georges, de Banah, hameau d’à peu près 1% de la population de l’arrondissement de Bazou, contre 54 %, 33% et 8 %, respectivement pour la Chefferie Supérieure Bazou, et les Chefferies Balengou et Bakong. Discrètement appelé ‘triangle’ parce qu’il serait friand du sexe, il a adressé le 19 décembre 2024 une lettre au sous-Préfet pour réveiller une affaire bancale et sans urgence. Lettre qu’il avait lui-même rendu publique en la mettant en ligne le 22 décembre. Six et neuf jours seulement après l’annonce officielle du ‘départ’ de son Suzerain. Un acte honteux posé sans égards à la mémoire de son Roi.Démarche boiteuse qui définit son irresponsabilité, voire son immaturité et son manque de discernement. Action belliqueuse qui trahit une rancune tenace et une haine vénéneuse. Agissements qui mettent en lumière son incapacité à réfléchir de façon critique, et son inaptitude à prendre la mesure des conséquences potentielles de ses actes. Un container de tares qui met à nu l’inhabilité de certains Chefs de 3e degré à assumer la tache, mais qui courent après un 2e degré. Pourtant, Feutchabou peut et devrait mieux faire, pour ne pas ‘amasser des charbons ardents sur sa tête’ (Prov. 25:22).

Cadi—asseoir un climat de paix et de concorde avant les obsèques
Les cérémonies et rituels relatifs au décès qui précèdent traditionnellement la désignation d’un nouveau roi, sont souvent faits de tension. Pour asseoir un climat de paix et de concorde, la cérémonie du cadi est quelque fois organisée. Les officiants de ce culte de ‘filtre sélectif,’ arborent des tenues traditionnelles spéciales. Le décor du lieu est fait d’ornements spéciaux. Ce rituel se tient dans un endroit spécial—lieu saint, entrée de la chefferie, place publique, à l’ombre d’un arbre pas ordinaire. Dans cet ordre d’idées, un communiqué de la Cour Royale du 3 janvier 2025, endossé par les Rois Bamena, Bangou et Bangoulap institue le ‘serment traditionnel’ allant du 7 au 20 janvier 2025. Il concerne les ‘7 et 9 notables, les serviteurs du Roi, les notables des 63 villages et quartiers du Royaume Bazou, les princes et princesses, et les membres du Comité Technique d’Organisation des obsèques du Roi.’
Une note relative au communiqué en date du 3 janvier 2025, publiée le 8 janvier 2025 présente deux formules du serment à dire l’une après l’autre. La première stipule, ‘si j’ai trahi le Roi Tchoua Kemajou Vincent, je paie de ma vie.’ La seconde édicte, ‘je m’engage à servir avec probité, intégrité et sans corruption dans tout le processus concernant l’organisation des obsèques du Roi et le choix du nouveau Roi ; à défaut je paie de ma vie.’ Par conséquent, ‘celui qui prête serment, invoque lui-même les conséquences dans la formule du serment en cas de parjure.’ Par contre, ‘celui qui ne prête pas serment, ne doit pas participer ni être écouté dans le processus.’
Crédibilité questionnable
En effet, ‘Le cadi ne vise personne. Il est instauré pour s’assurer que ceux avec qui le Roi a cheminé étaient des personnes vraies.’ Explique le journaliste Feuh Noutshui Djamen Blaise. Ceci justifie pourquoi ceux qui ont voulu profiter de la vacance et leurs acolytes (sectaires et autres), auraient fui ce serment traditionnel. Car, ‘profané la mémoire d’un homme de son vivant et se positionner pour organiser ses obsèques est un crime horrible pour sa propre conscience.’ Informe Feuh Noutshui. Ironique, il poursuit. ‘Tous ceux qui ont cru devoir s’attaquer à la volonté du guide doivent se justifier devant les canaris sacrés.’ Sa plume expose certaines élites voire des notables qui auraient été dans les secrets du Roi, et pointe l’hypocrisie d’autres. ‘Vous refusez de sauver le malade et vous vous déployez pour l’organisation de ses obsèques. Quelle cruauté!’ Sur un autre plan, il note qu’‘être riche et être incapable de jouir de cette richesse n’est autre que l’esclavage au service des loges.’ Ce clin d’œil malicieux aux maîtres ou adeptes des loges est aussi un message. Un langage indirect de dénonciation.
Dans le même registre de langage feutré, Feuh Mbeulah Djeuhon Frédéric, maire de Bazou, s’invite dans cette bataille des adversaires invisibles, mais qui se connaîtraient. Il écrit. ‘La représentativité d’un chef passe par les populations dont il a la charge d’encadrer. Si face aux défis actuels, ce dernier ne peut réunir sa population pour apporter cette contribution se contentant de pérorer tous les jours pour justifier son existence, sa crédibilité est questionnable.’ A ce retour de balle de Djeuhon qui s’attache à la question du statut social, Noutshui oppose la question morale. ‘Cotisez pour venir insulter la mémoire de celui pour qui le cadi a été instauré pour honorer sa mémoire relève de la pure sorcellerie.’ Cette passe d’armes à l’encre, montre une incohérence entre les clans qui se disaient sûrement amis du Roi.Et instruit que chacun sait ce qu’il pourrait révéler à petits jets de l’autre.
En effet, le cadi fait peur. Cette bataille tourne autour de cela. Certaines personnes qui prennent des airs au-dessus de leur état ou de leurs capacités, mais dont l’âme meurtrie n’arrive pas à marquer la mesure au milieu du charivari leur conscience, ont insinué que le cadi avait été institué contre eux. ‘Belle excuse pour ne pas se soumettre au verdict du serment traditionnel.’ Pensent certains. Leur charlatanisme enflé d’orgueil est recadré par Badian. ‘[Le cadi] serait une recommandation du Lion [Roi Tchoua] en forêt. Vous savez que le Lion en forêt avait parfois pris des positions discutables. Alors pour éviter un retour d’ascenseur, il pouvait en toute logique…prescrire à ses exécuteurs testamentaires le cadi afin que tous ses proches collaborateurs, toutes les personnes en même d’influencer d’une manière ou d’une autre le processus de désignation de son successeur se plient à cette exigence. Et comme le Lion se frottait à tout le monde, on en a fait une affaire de tout le monde.’

Pré-hommages
La Chefferie Bazou n’a pas désempli depuis l’annonce officielle du ‘départ’ du Roi Tchoua. ‘Lettres-hommages,’ ‘lettres-condoléances,’ ‘visites-de-réconforts,’ rythment la vie de la Cour Royale. Les Chefs Supérieurs, Rois des autres régions comme le Chef Supérieur Alain Dissake dans le Littoral, le collège des Chefs et Roi de l’Ouest, du Centre, du Nord, et autres, les autorités administratives et politiques, les ministres comme Courtes, les organisations à l’instar du REPREM, des stars de premier rang tel que Samuel Eto’o Fils, tous accompagnés d’une forte délégation, ont honoré la Cour Royale de leur présence. Des artistes ont écrit des chansons pour saluer la mémoire et les œuvres du Roi Tchoua—Jumeau K est parmi ceux-là (https://www.youtube.com/watch?v=mFgsGyB4Q1M).Quel que fût le poste ou le siège, quel que fût l’échelon ou le grade, quel que fût l’écharpe ou la fonction, le Roi Tchoua avait servi avec passion ses concitoyens. Il savait communiquer la force de travail à ces collègues et sujets. Il avait un sens élevé et aigu à comprendre les autres.
Cérémonie funèbre
Mais il n’était pas éternel. Le 7 février, un culte œcuménique organisé à la Paroisse St Joseph de Bazou a rassemblé les officiants et fidèles Catholiques, Protestants, et Musulmans pour célébrer ‘un homme rassembleur qui a toujours travailler pour son peuple, et avec toutes les obédiences religieuses de son Royaume.’ A déclaré le Pasteur Tchoumi de l’Eglise Evangélique du Cameroun. Pour l’officiant principale, ‘humilité du Roi Tchoua était semblable à celle de Jésus qui s’est rabaissé jusqu’à laver les pieds de ses disciples’ (Jean 13:1-17). S’appuyant sur un adage qui dit, que l’‘on profite du vent pour ramasser du bois,’ il a exhorté tout le monde à ‘ramasser le bois de l’humilité, de la paix, de la justice, au cours des obsèques du Roi pour rentrer chez soi et être un exemple pour les autres.’ Les officiants venus d’un peu partout, dont Foumban, Abong-Mbang, Bafang, Batié, Bafoussam, Bazou, Bangangté et les fidèles, parmi lesquels les veuves du Roi et les autorités traditionnelle et politique, dont le Sous-Préfet et le Maire, ‘ont prié pour confier l’âme du Suzerain au Seigneur et pour qu’Il l’accueille dans son Royaume. Ils ont prié pour que ses obsèques se poursuivent merveilleusement bien. Ils ont également prié pour le successeur que le Seigneur va désigner pour qu’il continue cette belle œuvre que le Roi a commencée et qu’il a conduite pendant 40 ans.’ A confié l’Abbé Gabriel Wandji.
Le lendemain, 8 février, Bazou est noire de monde. Des milliers de personnes sont venues de partout, in/out du pays pour rendre hommage au Suzerain Tchoua dont l’œuvre et l’engagement vont au-delà des frontières du Cameroun. CRTV, Canal 2, Equinoxe, RFI, BFEtv, Balafon, sont en rang serrés pour immortaliser l’événement sur les cartes (film) électroniques, papier presse et papier glacé. Presque tous les compagnons du Suzerain sont là. Têtes couronnées (Chefs, Rois, Lamidos), personnalités administratives et politiques (élus locaux et régionaux, parlementaires), membres du gouvernement (Ministres) et assimilés, artistes, stars comme Samuel Eto’o Fils, ainsi que plusieurs milliers d’anonymes, dont des personnes d’âges avancés, s’appuyant tristement sur leur canne, les yeux rouges et le cœur plein d’amertume. Ils pleurent amèrement leur Souverain.

Le drapeau du Cameroun, les arbres de paix, se courbent lentement et flottent légèrement à la brise, en signe de salut royal. Les lieux sacrés sont calmes. Le vent discret qui souffle enveloppe l’arrondissement de Bazou des esprits bienveillants des ancêtres. Les ondes fraîches qui sortent des rivières Nkofi, Nkouatchou, Tsebo, Touboun, bénissent et guérissent les participants et invités aux obsèques. Les esprits des onze dynasties du Royaume sanctifient le Royaume. Une douce onction sortie des lieux de fétiches sacrés inondent les Rois Bamena, Bangou, Bangoulap, et toutes les têtes couronnées. ‘Cette communication entre le visible et l’invisible se passe dans un environnement où certains, emportés par la tristesse, et d’autres, incapables de percer le mystère de l’abstrait, n’ont pas été à mesure de lire et interpréter ces signes des temps.’ Confie un initié. Pas un sectaire.
Outre ce côté mystique et mystérieux, des témoignages poignants soulignent la hauteur d’un homme dont la vie et la carrière ont été entièrement dédiées à la nation et au destin de son Royaume. Tous ont évoqué et salué un homme d’une grande humanité, respecté pour ses principes, sa sagesse, sa générosité, humilité, et son sens de l’honneur. Sa tendresse humaine (pas sur lui), et son émotion des autres, ont été magnifiées. Il a amené au palais l’homme de la rue. Ce qui est une force extraordinaire. Chez tout le monde, il cherchait ce qui est humainement bien et non pas leurs défauts. Ce que Goukouni Oueddei (ou Weddeye) a fait au Tchad. Ces descriptions et d’autres sont sur l’ensemble des lèvres, et, ont chacun conclu ceux qui ont pris la parole ou écrit des tribunes à sa mémoire. Pendant ces témoignages, la dépouille du Roi ne reposait pas parmi ceux qui sont venus lui rendre les derniers honneurs. L’hommage rendu par la nation entière et par ceux qui ont traversé mer et océan à ce grand homme, refondateur, homme de justice, qui ne se souciait pas si les autres doivent ‘boire le bouillon sans lui,’ témoigne de l’impact de son œuvre et de sa vision pour un Cameroun moderne au Royaumes ouverts au monde, mais ancrés sur leurs valeurs traditionnelle, culturelle, et cultuelle, en préservant et en protégeant le côté sacré du sacré.
Le Roi Tchoua Kemajou a été admiré des autres parce qu’il ne s’admirait pas. Et la splendeur de ses obsèques est à la hauteur de l’amour qu’il a eu pour les autres.
Héritage et testament
‘Avec le départ de ce monarque, notre pays perd un des acteurs clés de notre histoire traditionnelle récentes.’ Ecrit Dr. Samuel Eto’o Fils. Sa Majesté Dissake Mouangue Alain, Chef Traditionnel de Bonamoukouri-Bonakouamouang, va plus loin. Il note, ‘Sa Majesté Tchoua Kemajou Vincent était un roi sage, discret et extrêmement bienveillant. Il savait trouver les mots justes pour ramener la paix ou pour vous pousser à donner le meilleur de vous-même dans un projet.’

Ces extraits de deux lettres-hommages à l’ami et au père, le Roi Tchoua, résument les multiples œuvres que le monarque laisse derrière lui. Au compteur l’héritage qu’il laisse, s’affichent les frontières inaliénables du Royaume, la soumission de quelques renégats aux intentions sécessionnistes, la centralisation des décisions royales, et le développement culturel. En plus, ce Roi, qui a impacté les Bazou non pas par sa propre gloire, mais la gloire du Royaume, laisse les bases du développement économique et du développement du Royaume.
Surnommé ‘Le Sheriff,’ son désir de réformer et son engagement envers la justice ont marqué son époque. Bien que confronté à des difficultés, et aux clans des sectaires concurrents, c’est de façon progressive qu’il a multiplié les avancées dans plusieurs domaines et opéré des changements pratiques. Il laisse une empreinte durable, pour des changements quantitatifs et qualitatifs. Les Bazou peuvent donc être fier de l’héritage que leur Souverain leur laisse. En agriculteur, Sa Majesté Tchoua a défriché. En berger, montré la route. En artisan, forgé les outils. En instructeur, formé les hommes. Le testament qu’il laisse par sa parole et par son action, et le témoignage de ses dernières heures, serait, pour sa lignée et son peuple, de fuir les cercles et loges obscurs, et par contre, aller plus loin dans les voies qu’il a ouvertes et balisées—celle du développement économique, de la modernisation de Bazou, de la culture, de l’instruction, de l’éducation, de la santé, de la justice sociale, et de la paix—Sur ce point, Sa Majesté Dissake écrit, ‘Il était tellement attaché à la paix et à la résolution des conflits qu’il en avait fait une de ses préoccupations majeures.’
Legs au monde
Lors de la tournée d’adieux du Roi, un arbuste faisait partie des symboles. Mekep Tchakounté Dìá Ñgáp Théophile Elvis, une élite locale, ex-président de Panthère du NDE, appelé affectivement ‘ancien riche,’a pris sur lui l’engagement de le faire grandir. Cet arbuste, c’est un héritage que lui a légué le Roi Tchoua devant témoins (la population Bazou). Cet arbuste n’est pas seulement un arbre en devenir. Il est un monument sacré. Un document d’histoire pour les générations à venir. Cependant, la question qui se pose est de savoir si Mekep Tchakounté Dìá Ñgáp est conscient du poids historique de cette mission—Faire grandir absolument cet arbuste pour la postérité. Le dater et le légender (taille et grosseur par an, origine et circonstances de son acquisition, raison, nom scientifique de cet arbre, ses caractéristiques, pourquoi le choix de l’emplacement où il est planté,…) sur une plaque ou panneau, à ses frais ou avec la complicité de la Mairie ou d’une ONG. Car, ‘l’homme de bien laisse un héritage à ses descendants’ (Prov. 13:22). Et ‘celui qui n’est pas à mesure d’assurer un héritage, ne doit pas l’accepter. Mais compter sur ses doigts.’ Mekep Dìá Ñgáp doit se rappeler cela. En plus, retenir que ‘l’héritage n’est pas un bien, une richesse qu’on reçoit et qu’on met en banque, l’héritage c’est une affirmation active, sélective, qui parfois peut être plus réanimée et réaffirmée par des héritiers illégitimes que par des héritiers légitimes.’ Fait savoir Jacques Derrida. Ne pas prendre soin de cet héritage, serait un sacrilège. Un déshonneur pour lui qui a pris la responsabilité. Et le réquisitoire de l’Histoire est violent dans pareil cas.
Ames en résipiscence
Sa Majesté Tchoua s’en est allé. On se demande combien auront à se repentir pour l’avoir trahi. Certains dont les outrages ou la malice auraient poussé ce brave Roi à franchir peut-être certaines lignes, seraient en conflit avec leurs âmes en pénitence. L’Histoire saura dire que, sur les terres du Royaume Bazou, un Roi qui a joué un rôle significativement positif pour le rayonnement de son Royaume, aurait été trahi par les agents des cercles ténébreux, si cela aurait été le cas. Sa disparition est une grande perte, pour le peuple Bazou, pour ceux qui l’ont connu et admiré, et pour ceux qui auraient voulu un jour puiser aux sources de ce dinosaure de connaissance et de sagesse.
L’avenir du Royaume est l’affaire des Bazou. Pourvu qu’ils cloisonnent les seigneurs des sectes divisionnistes et leurs esprits maléfiques qui hantent les esprits faibles. Le Roi Tchoua Kemajou sort, Happy Tchoua entre. ‘Puisse cette énergie qui a manqué dans certaines circonstances, lui soit transmise par les entités spirituelles traditionnelles et surtout par les lignées des Rois du Bazou’ Ecrit l’Ivoirien Jérémie Ziri.
Feumba Samen
